DECEMBRE 1S9O.                               115
laissé mourir de faim dans son lit, faute d'argent : en­cores qu'elle eust des chaisnes et autres bonnes beson-gnes d'or enterrées pour en faire, estant d'ailleurs femme vertueuse, mais avaricieuse.
En ce mesme an mourust aux cachots de la bastille de Bussi maistre Besnard Palissi, prisonnier pour la re­ligion, aagé de quatrevingt» ans; et mourust de misere, necessité et mauvais traitemens; et avec lui trois autres pauvres femmes détenues prisonnières pour la mesme cause de religion, que la faim et la vermine estranglerent.
Ge bon homme en mourant me laissa une pierre qu'il appeloit sa pierre philosophàle, qu'il asseuroit estre une teste de mort que la longueur du temps avoit convertie en pierre, avec une autre qui lui servoit à travailler en ses ouvrages : lesquelles deux pierres sont en mon cabinet, que j'aime et garde soigneusement en memoire de ce bon vieillard, que j'ai aimé et soulagé en sa necessité, non comme j'eusse bien voulu, mais comme j'ay peu.
La tante de ce bon homme, qui m'apporta lesdites pierres, y estant retournée le lendemain voir comme il se portoit, trouva qu'il estoit mort; et lui dit Bussi que si elle le vouloit voir, qu'elle le trouveroit avec ses chiens surie rempart, ou il l'avoit fait traisner comme un chien qu'il estoit.
En ce mesme temps mourust à Paris le clerc de .'au­diance de la chancellerie, qu'on apeloit Jean Verger, homme que j'aimois, et qui faisoit et entendoit bien sa charge; digne d'une meilleure et plus grande, à cause d'un bon jugement naturel, conjoinct avec une très-grande memoire que Dieu lui avoit donné.
En cest an 1590, pour tousjours entretenir le peuple
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